Mélina Robert-Michon pour entrer dans la légende [Objectif Tokyo 2020]

S'il y a bien une médaille qui a récompensé le travail, l'acharnement et la persévérance, c'est bien celle de Mélina Robert-Michon à Moscou en 2013. Habituée aux accessits, ce soir de 11 aout, elle franchit le cap, obtenant sa première médaille internationale chez les A, avec de l'argent, auréolée d'un record de France à 66,28m au lancer de disque. Le déclic pour la Lyonnaise

Qui a débuté l'athlétisme, comme beaucoup repérée par un professeur d'EPS au collège. "Je ne connaissais pas vraiment l'athlétisme, personne n'en faisait dans mon entourage. Du coup j'ai mis du temps à franchir le pas. J'ai commencé au lycée", confie celle qui est passé auparavant par divers sports, comme le judo, le volley-ball et le handball. "Je n'avais pas l'optique de faire de haut niveau à mes débuts". Mais rapidement, elle montre de belles dispositions. A 19 ans, elle lance déjà à 59,27m et les premières sélections arrivent chez les jeunes... mais aussi en A avec les Europe de 1998, où Christine Aaron réalisera le record d'Europe du 100m. Vingt-deux ans après, Mélina Robert-Michon est toujours là, toujours aussi forte. Elle a frappé un grand coup le 21 janvier à l'occasion des France de lancers longs, en lançant à 64,14m, meilleure performance mondiale de l'année.

Car oui, sept ans après Moscou, Mélina Robert-Michon est une candidate plus que crédible à la médaille de Tokyo. "La médaille de Moscou, je la cherchais depuis longtemps, j'avais eu des médailles chez les jeunes. Cela a été un soulagement et un plaisir", confie l'athlète longtemps abonnée aux places en finale jusque-là, la première en 2002 lors des championnats d'Europe de Munich. "La répétition de toutes ces finales, m'a donné de la confiance". Car chaque année, la progression était visible au niveau international. Jusqu'à cette 5e place en finale des Jeux de Londres en 2012 : "Petit à petit je me rapprochais. Tant que je n'avais pas été médaillée, je considérais mes finales comme une grosse performance. Après ma 5e place à Londres, cela aurait été dommage de s'arrêter si près du podium". Mais, ce qui a fait la différence, c'est l'arrivée de sa première fille en 2010, Mélina Robert-Michon raconte : "Cela a été un déclencheur, j'ai pu faire le point et retrouver le sens de pourquoi je faisais ce sport. J'ai pu constater toute l'envie de continuer". 

Une science exacte pour arriver en forme le jour J !

Une première médaille en forme de déclic à laquelle s'ajoute de l'argent aux Europe de Zurich en 2014 et le bronze à Londres en 2017. Mais surtout, elle a obtenu l'argent à Rio aux Jeux Olympiques, le rêve ultime pour chaque athlète, la consécration (presque) ultime d'une carrière, avec un nouveau record de France à la clé (66,73m). Et une science de la compétition. Sa grande force est d'arriver le Jour J en forme optimale. Moscou 2013, Zurich 2014, Rio 2016 et Londres 2017, quatre compétitions et un point commun : Mélina Robert-Michon y réalise soit son record personnel, soit la meilleure performance de sa saison. "Il y a plusieurs facteurs. Mes entraîneurs savent me préparer pour le Jour J. Auparavant, je faisais des grosses performances dans la saison, mais pas en championnat. La FFA a changé la donne également, en demandant des minima moins élevés. Avant, on laissait beaucoup de jus dans la course aux minima et on arrivait fatigué lors des championnats. Après 2007, il y a eu un déclic, la DTIN m'a fait confiance pour Pékin, j'ai pu me préparer de façon optimale et aux Jeux, je réalise mon "Season-Best"" analyse la lanceuse. 

Moscou bien plus qu'un catalyseur : "Avant d'aborder ces mondiaux, j'ai songé à arrêter et reprendre mes études. Cette médaille a été un déclencheur. Ce n'était plus le moment d'arrêter et je voulais recommencer. Je sentais qu'il y avait d'autres choses à aller chercher. Les JO de Londres étaient censés être les derniers. En 2020 je suis encore là finalement". D'autant qu'avec les premières médailles, les sponsors sont arrivés. Auparavant et comme l'immense majorité des athlètes français, c'était difficile pour Mélina Robert-Michon de vivre de son sport "Nike et AG2R sont arrivés en 2013 mais les Jeux de Rio ont accéléré les choses. Même si mon plus gros partenaire GL Events est arrivé en 2015".

Une première médaille obtenue à 34 ans ! Ne lui parlez surtout pas d'âge. Dans les médias, on entend souvent Kylian Mbappe parler de son jeune âge, en disant que cela ne comptait pas. Mélina Robert-Michon désormais jeune quadragénaire, dresse le même constat : "En France on est formaté à se dire qu'à 30 ans, il faut prendre sa retraite. Pour moi c'est une question d'envie et de physique. On peut être blessé à 20 ans et en forme à 40 ans. J'ai aussi eu la chance d'avoir des entraîneurs qui étaient dans la même dynamique que moi". Et ne venez surtout pas lui parler de chance non plus : "Je crois beaucoup au travail. Je ne sais pas si tout le monde peut être performant à 40 ans, mais je ne crois pas à la notion de chance. Il faut être bien entourée et la volonté joue beaucoup. On peut avoir toutes les qualités du monde, sans travail cela ne suffira pas. La chance se provoque, on va dire".

Crise sanitaire et préparation modifiée

Auteure d'un brillant début de saison, la crise sanitaire liée au Coronavirus donne un grand coup d'arrêt dans sa saison et de celle de tous les sportifs en général : "J'ai eu la chance d'avoir déjà réalisé les minima" relativise la lanceuse consciente que ceux qui ne les ont pas encore fait risquent de se lancer dans une vraie course contre la montre, si la saison parvenait à reprendre. "Je peux me préparer uniquement pour Tokyo, après, c'est frustrant, car j'avais pour objectif de lancer plus loin lors de la coupe d'Europe des lancers (NDLR : Qui devait débuter aujourd'hui). Maintenant, on s'organise au jour le jour. Le fait de ne pas savoir est le plus frustrant. Mais le CIO devrait rapidement statuer et on saura si les Jeux sont maintenus. Pour l'heure, on fait comme s'il y avait les Jeux". Surtout, elle relativise quant à la situation : "Il y a plus grave que des JO. Ce n'est que du sport. La crise qu'on traverse est bien plus problématique". Cependant, on peut quand même s'interroger sur l'équité entre les concurrents, si les Jeux venaient à être maintenus. "Certains ont repris l'entraînement, d'autres vont devoir le stopper, la vague se décale, il y aura des disparités pour sûr". En attendant, on essaie de sauver les meubles comme on le peut. Pour une lanceuse, comment peut-on s'entraîner ? : "J'ai anticipé en récupérant du matériel. J'étais en repos jusqu'à jeudi dernier et j'ai repris. Je vais faire un gros travail physique. J'ai pu récupérer des médecine-balls. Mais c'est du bricolage et d'ici trois semaines, si on ne peut pas lancer, cela deviendra compliqué. Le confinement est parti pour durer plus. Je ne sais pas comment on va faire" regrette Mélina Robert-Michon qui passe de trois entraînements par jour à cette situation où elle doit gérer également ses enfants, "privés" d'école comme tous les autres en France.

Des jeux pour entrer dans la légende ! 

Une situation problématique car, comme on l'évoquait, c'est une candidate crédible à la médaille olympique. D'ores et déjà assurée de se qualifier pour sa 6e olympiade, record absolu dans l'athlétisme français, Mélina Robert-Michon peut entrer dans la légende de son sport et du sport français. Si elle décroche la médaille, elle détrônera une certaine Merleyne Ottey. La Jamaïcaine est l'athlète la plus âgée à avoir décroché une médaille olympique, à 40 ans. En juillet-août à Tokyo, Mélina Robert-Michon en aura 41 ! "C'est l'occasion d'en remettre une petite couche sur la notion d'âge. On me le rappelle souvent, mais j'ai envie de montrer que ce n'est pas un frein à la performance. C'est une réelle motivation". De quoi suivre le parallèle de la Jamaïcaine qui a poursuivi sa carrière jusqu'à 50 ans ? : "Je ne me prononce plus sur l'arrêt de ma carrière. Je disais que les JO de Londres seraient mes derniers et je suis encore là. Pour sûr, je suis projetée sur l'année 2021. Pour faire simple, tant que je serai performante, je continuerai. Je ne veux pas continuer en étant moyenne en revanche" confesse Mélina Robert-Michon. 

Mais, si les choses venaient à rentrer dans l'ordre, nous n'aurons plus l'occasion de voire les lanceurs aussi souvent à la télé. Le disque fait parti des sacrifiés de la réforme du lancer de la Diamond League, qui veut réduire son format, afin de tendre vers des compétitions d'une heure et demie, plus "télégéniques". "On nous dit qu'on est moins médiatiques et du coup qu'on va moins nous montrer. Mais moins on sera télévisé, moins on sera médiatiques" regrette Mélina Robert-Michon peu convaincue par la création d'un circuit mondial pour le disque : "On est en année olympique et on a qu'une étape sur quatre en Europe. Les autres seront en Chine et en Jamaïque. Difficile de faire de tels déplacements. En plus, le 4e est en septembre après les Jeux. On aura que trois compétitions de niveau international pour se préparer dont deux très loin de chez nous" poursuit la lanceuse. Une décision de l'IAAF, presque un non sens qui va à l'encontre de la diversité des discplines de l'athlétisme : "Ce qui fait la force de notre sport" assure Mélina Robert-Michon, constat partagé par d'autres, comme la marcheuse Clémence Beretta. "Il faut revoir les formats sans aucun doute, mais la solution proposée n'est pas la bonne" assure la championne française !

Qui peut, à contrario, se réjouir de la montée en puissance des meetings de lancers en France : "A une époque à Salon de Provence, il y avait un meeting consacré exclusivement au disque, les tribunes étaient pleines, beaucoup découvraient et étaient surpris et m'ont dit qu'ils ne s'attendaient pas à ce que la discipline soit aussi spectaculaire. On ne peut pas aimer ce qu'on ne connait pas, et à partir de cela, les images sont la base. On l'a vu avec le football féminin qui s'est développé et qui a vite gagné le coeur des Français. Les médias sont à la base de tout cela. Si on nous enlève de la médiatisation, l'écart risque de se creuser entre les disciplines", craint Mélina Robert-Michon.

Si jamais le monde se sort de cette immense crise et que les Jeux ont lieu, il faudra surveiller la Benjamin Button de l'athlétisme mondial ! 

Etienne GOURSAUD

 

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