Athlétisme - Ils auraient pu écraser leur discipline : Caster Semenya

C'est un cas complexe que celui de Caster Semenya. On ne peut pas vraiment parler de gâchis en terme de palmarès car, avec deux titres olympiques et trois de championne du monde, le palmarès de la Sud-Africaine est l'un des plus fournis pour une athlète en activité. Mais Caster Semenya traîne derrière elle une controverse dont elle est au moins largement autant victime que "coupable". En effet, elle fait partie de ces jeunes femmes atteintes d'hyper-androgynie. Elle produit naturellement plus de testostérone que la normale des femmes. Et ça, l'IAAF ne peut le supporter et des bâtons sont mis dans les roues de la Sud-Africaine qui n'a cependant pas annoncé sa retraite.

Révélation et polémique en 2009

Elle explose au grand jour à Berlin, un soir d’août 2009. En remportant le 800m aux championnats du monde à l'âge de 18 ans, elle fait sensation sur la planète athlétisme. Mais rapidement la sensation fait place à la polémique. Un corps pas très féminin (qu'est ce qu'un corps féminin d'ailleurs ?) une voix grave, les débats et les fantasmes montent progressivement. Il s'avère qu'elle est hyper-androgyne. Un surplus de testostérone, un avantage certes, mais qui est totalement naturel. Dès lors, tout s'emballe ! L'IAAF, dans un premier temps lui autorise à courir, mais en suivant un protocole médical pour faire baisser le taux de testostérone. Cela ne l'empêche pas de continuer de briller deux ans plus tard à Daegu. Initialement deuxième du 800m, elle récupère l'or en 2017, suite au déclassement pour dopage de Savinova. Bis répétita à Londres, où elle conquiert l'or olympique sur tapis vert, suite au déclassement de cette même Savinova. 

S'en suit cependant un trou sportif de plus de trois ans, où elle évolue loin de son meilleur niveau (bloquée à 2'02 en 2014).  Elle disparaît un peu des radars et avec elle la polémique désenfle. En réalité, le petit monde de l'athlétisme l'a un peu oublié à ce moment-là, certains se réjouissant même de son absence au plus haut niveau. Mais c'était avant la résurrection !

Retour au sommet et la polémique de plus belle

C'est à Rio, lors des Jeux Olympiques en 2016 que le retour au sommet s'opère. Mais c'était annoncé, au vu d'un très bon 1'56''64 au meeting diamond league de Rabat (Maroc). Elle résiste aux polémiques et aux piques de certaines athlètes où anciennes athlètes (l'ancienne recordwomen du monde du marathon Paula Radcliffe aura de durs propos à son égard). Mais cela n'empêche pas de triompher et cette fois-ci pas sur tapis vert mais par la grande porte (1'55''28). Elle remporte également la Ligue de Diamant cette année-là. C'est la première des trois années de grande domination de la Sud-Africaine. En 2017 elle est impériale, à chaque sortie les chronos s'affolent. Elle devient championne du monde à Londres pour la troisième fois avec un chrono affolant de 1'55''16. Mais la polémique et les moqueries ne désenflent pas. Pour d'autres, on commence désormais à parler de record du monde possible, la marque de la très controversée Tchécoslovaque Jarmila Kratochvílová est elle en danger ? La question se pose encore davantage en 2018, année sans grands championnats pour la Sud-Africaine. Qui va faire la razzia sur les meetings Diamond League. Jusqu'au meeting de Paris où elle devient la quatrième meilleure performeuse de l'histoire sur 800 en 1'54"25. Au sommet de sa carrière mais qui va être "fracassée" en plein vol.

Car l'IAAF a décidé de revenir à la charge avec un nouveau règlement sur l'hyper-androgynie. Les jeunes femmes sont sommés de prendre des médicaments. C'est le début d'une bataille juridique. Elle pose un recours au Tribunal arbitral du sport (TAS), mais celui-ci est rejeté, ces derniers donneront raison à l'IAAF qui justifiera en disant que Caster Semeyna est biologiquement un homme. Cela fait polémique quant au statut de ces jeunes femmes souffrant du même "mal". Malgré un super 800m à Doha en Diamond League et une nouvelle course en moins de 1'55, elle doit renoncer aux championnats du monde, qui auront lieu également en capitale qatarie, alors qu'elle avait toutes les armes pour réaliser un quadruplé. A ce jour, son cas n'est pas encore totalement tranché et sa carrière est bel et bien en suspens. De façon arbitraire, Caster Semeyna ne peut courir. Ne peut enrichir encore son palmarès.

Maintenant au delà d'un palmarès qui aurait pu être encore plus fourni qu'actuellement, imaginez la souffrance que peut ressentir une jeune femme d'être montrée du doigt par le monde entier, être vue comme une bête de voir dans une société où la normalité fait office et tous ceux qui n'entrent pas dans des cases sont vus de manière très désagréable. Une souffrance déjà liée à l'hyper-androgynie et montrée du doigt. Un cas complexe il est vrai, mais dans cette affaire, elle est aussi victime, mais est traitée comme une coupable, peut-être même pire que si elle avait pris des produits illicites.

Etienne GOURSAUD

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