13 Mai 2020
L’Etna est une ascension qui ne fait pas partie intégrante de la légende du Giro, car on n’y a pas fondamentalement bousculé le déroulement de son histoire. Cependant, gravir le versant d’un volcan reste une exception dans les Grands Tours qui mérite à elle seule de faire de l’Etna un haut-lieu du Tour d’Italie. La situation géographique du volcan n’est pourtant pas pratique pour les organisateurs de la plus grande épreuve transalpine. Passer l’Etna nécessite d’abord d’aller courir en Sicile et demande une logistique peu aisée pour la suite de la course. C’est sans doute pourquoi seules cinq arrivées y furent jugées. Pas au sommet, ce dernier s’établissant à
S’en suivirent vingt-deux ans de pause, avant le retour sur le devant de la scène. 2011, 2017 et 2018 sur la seule précédente décennie, et une arrivée prévue pour le Tour d’Italie de cette année, à nouveau en première semaine (5e étape), première ascension d’envergure des trois semaines. C’est l’occasion de revenir sur les trois derniers passages du peloton sur les routes du volcan, trois montées aux caractères et dénouements bien différents.
Le Giro version 2011 est connu comme celui ayant le plus fait parler ces dernières années, entre le décès en course de Wouter Weylandt (voir ici) et le profil montagneux dantesque proposé aux coureurs. Le tracé de cette édition fait un crochet en fin de première semaine par la Sicile, et la neuvième étape emprunte à deux reprises les pentes de l’Etna, par deux versants différents. A la mi-pente de la dernière ascension du volcan (19,4km à 6,2%), un trio de tête ne compte plus que deux minutes d’avance sur un peloton encore garni, mené par les Lampre du regretté Scarponi, et qui vient de perdre le maillot rose Pieter Weening. Ecart à nouveau réduit de moitié trois kilomètres plus tard, moment que choisit Alberto Contador pour placer une grosse banderille. C’est Scaproni qui se jette dans sa roue et qui l’accompagne quelques hectomètres durant, rattrapant les hommes de tête. Derrière, c’est la désorganisation : personne ne prend vraiment la poursuite en main et les favoris du général enchaînent les pétards mouillés qui contribuent plus à creuser qu’à réduire l’écart.
A six kilomètres du sommet, Scarponi ne peut tenir la cadence de Contador. Le Colombien José Rujano est le dernier rescapé de l’offensive d’El Pistolero. Sous la banderole des 5 derniers kilomètres, le duo compte 40 secondes d’avance sur le groupe des favoris, dans lequel les attaques continuent de pleuvoir, sans suite. A deux bornes du sommet, c’est près d’une minute qui sépare les deux groupes. Contador/Rujano vont jouer la victoire d’étape, les quinze coureurs derrière vont tenter de perdre le moins de temps pour le général. Contador tue tout suspens avant la flamme rouge et s’envole. Il l’emporte avec cinquante secondes d’avance sur le futur troisième du général, Vincenzo Nibali, dix-sept de plus sur Scarponi et Gadret, qui complèteront le top 4 final. Il s’agissait du premier coup de force de Contador, un peu trop écrasant sur cette édition*.
Peut-être un brin trop impatients, les organisateurs du centième Giro ont placé la première arrivée au sommet dès la quatrième journée de course. L’Etna est gravi après le Portella Femmina Morta (plus de 30 bornes aux pourcentages peu exigeants, mais quand même) et on attend une première confrontation entre les grands favoris, les Nibali, Pinot, Quintana ou autre Dumoulin. Malheureusement, les vingt derniers kilomètres de l’étape sont un flop, à cause des conditions climatiques. Sur la route large, sans aucun abri, le vent est très fort, et la fraîcheur se fait ressentir une fois passés les 1500m d’altitude. Le slovène Jan Polanc, rescapé de l’échappée matinale, conserve une très faible avance, nécessaire cependant, pour s’imposer sur l’interminable ligne droite du Rifugio Sapienza. Incapables d’attaquer en solitaire, les favoris terminent ensemble, à trente secondes du vainqueur, dans un groupe très bien garni (20 coureurs). La conséquence est que le général est très serré derrière le leader Bob Jungels. Il faudra attendre cinq jours et la montée du Blockhaus pour observer les premiers gros écarts.
Sixième étape du 101e Giro, cinquième arrivée au sommet de l’Etna dans l’histoire, et toute nouvelle ascension pour le peloton. Le point de départ est différent, la route plus étroite – pour l’anecdote, il s’agissait d’une voie privée, fermée par une barrière au quotidien durant l’hiver – mais il y a plusieurs passages très difficiles (15%). Une très grosse échappée (28 hommes) se délite avant même le pied de l’ascension et, au cours de cette dernière, ils sont très peu à devancer encore le peloton. Parmi eux, Esteban Chaves semble être le plus fort et s’envole à cinq bornes de l’arrivée. Déjà fortement réduit, le groupe des favoris perd au même moment le maillot rose Rohan Dennis. Quelques secondes plus tard, les hostilités sont lancées, avec Dumoulin, Lopez, Pozzovivo. Des offensives, plus ou moins franches, qui ont néanmoins pour conséquence d’opérer un sacré écrémage et d’épuiser Chris Froome.
A
* Contrôlé positif sur le Tour 2010, Contador est suspendu pour deux ans par le TAS le 6 février 2012. Il se voit privé de ses succès sur ce Tour et le Giro 2011. Un Giro qui reviendra à Michele Scarponi.
Mathéo RONDEAU