1 Avril 2020
Football, Coupe du monde 2018 : tango bleu pour un quart
Passée tout près du titre européen dans son Euro en 2016, l’équipe de France démarre le Mondial russe deux ans plus tard en position d’outsider principal, mais en quête de grosses performances contre de grandes nations. La phase de poule ne permet pas aux Bleus de démarrer pied au plancher. Néanmoins, le plateau n’explique pas à lui seul l’entame difficile des tricolores en juin 2018. Après deux succès face à l’Australie et au Pérou, le onze, qualifié et modifié, sort une prestation apathique, nulle et vierge contre le Danemark. 0-0, la tête à Léo. Eh oui, c’est l’Albiceleste miraculée de Messi qui attend les hommes de Didier Deschamps en huitièmes. Même si l’Argentine n’a pas un niveau de dingue, elle fait tout de même peur, et il faut absolument hausser le niveau de jeu pour franchir ce stade.
C’est chose faite d’entrée, les Bleus dominent outrageusement, touchent les montants. Mbappé fait parler les cannes, les défenseurs sud-américains sont dépassés et concèdent un penalty. Un quart d’heure costaud puis relâchement. Les tricolores laissent jouer leurs adversaires. L’égalisation survient par un superbe but de Di Maria, avant que Mercado ne fasse trembler tout le monde. Puis les Français mettent le feu à Kazan. C’est la panique dans le camp argentin, dix minutes de dingue. Pavard, Mbappé remettent les choses au clair. C’est fou. Les buts, splendides, font passer dans une autre dimension. On était en quête d’émotions, nous voilà servis. Au meilleur des moments, l’équipe de France est passée dans les choses sérieuses. Pour la suite et la réussite qu’on lui connaît.
Ce qui peut souvent offrir les plus fortes émotions, ce sont les exploits inattendus. Celui-là s’inscrit largement dans cette catégorie. Qualifié pour la finale du 800m des Mondiaux de Londres en 2017, Pierre-Ambroise Bosse n’est pas favori au titre, mais fait partie des outsiders pour le podium. En vérité, tous les concurrents sont des potentiels médaillables au départ à l’Olympic Stadium. Pour poser l’exploit dans le contexte de la soirée londonienne, les Bleus font le show. Quelques minutes plus tôt, Mahiedine Mekhissi a échoué à 27 centièmes de la médaille de bronze sur 3000m steeple, après un dernier tour monstrueux. Puis Renaud Lavillenie, que l’on pensait condamné après deux échecs à 5,82m et 5,89m, allait chercher la barre à 89 sur son ultime chance. Il décrochait finalement le bronze.
Revenons-en au double tour de piste. A la cloche, le Canadien McBride mène le train, PAB est en sixième position, Adam Kszczot dans son sillage. Puis, à 250m de la ligne, le tricolore se déporte et prend cinquante mètres plus tard les devants. Suivront 28 secondes de pur bonheur. Au terme de ce tour de magie, Bosse décroche l’or en patron, après une sensationnelle accélération. PAB était un des seuls à croire au miracle, le fondeur a fait rêver les millions de téléspectateurs (4,4 ce soir là) qui l’ont suivi lui et ses compatriotes lors de ces Mondiaux « wonderful ».
Le samedi 20 juillet, on a vibré, probablement encore un poil plus que depuis le début du Tour. Le géant des Pyrénées (2115m) était français de la tête au pied. Avec deux figures de proue : le porteur du maillot jaune Julian Alaphilippe et le vainqueur du jour, Thibaut Pinot. Avant cela, il y avait eu Romain Sicard, entamant le col en tête depuis Luz Saint-Sauveur. Le grimpeur de Total Direct-Energie était ensuite rattrapé puis lâché par Elie Gesbert. Repris par le peloton, le coureur d’Arkea laissait place ensuite à son équipier Warren Barguil, qui attaquait le train mené par la Movistar (qui lâcha au passage Quintana). Repris à
Voilà une étape qui restera longtemps dans les mémoires. Elle est celle qui nous a, avec la journée du lendemain au Prat d’Albis, assuré dans nos espoirs de voir un successeur à Bernard Hinault, en vain. Cet après-midi là pourtant, les foules au sommet du Tourmalet en avaient conscience.
La carrière de Thibaut Pinot pourrait largement être retracée au cinéma. Si tel était le cas, on aurait droit à une saga folle, pleine de rebondissements, d’émotions fortes. Un des épisodes de cette série pourrait se situer entre octobre 2017 et octobre 2018. Fort d’une expérience transalpine riche en enseignements et fructueuse par le Giro au mois de mai 2017 (4e), Pinot cherche à voir son grand amour avec la Lombardie et son Monument enfin concrétisé. Le grimpeur franc-comtois est intenable dans le Civiglio et seul Vincenzo Nibali parvient à tenir sa roue au sommet. Le requin de Messine le lâche finalement dans la descente, Pinot est repris et doit se contenter de la 5e place.
La saison suivante, le coureur de Groupama-FDJ repart sur un programme similaire, dans l’optique de faire un peu mieux, ce qui signifie globalement jouer la gagne. Ca commence par un joli succès final sur le Tour des Alpes. Sur le Giro, il occupe les tout premiers rôles au Gran Sasso, au Zoncolan, et surtout sur l’immense étape du Finestre. Il est alors un très beau troisième et il reste une journée de haute montagne. C’est un cauchemar. Pinot est contraint à l’abandon, terriblement affaibli par une pneumopathie.
Loin d’être accablé, il va néanmoins continuer sa saison, toujours avec ce début d’automne italien en vue. Entre temps, il lève brillamment les bras à Covadonga et Andorre sur la Vuelta, termine 6e du général et prend la 9e position des Mondiaux. Enfin, après avoir gagné Milan-Turin en haut du Superga, il met fin à sa malédiction. Dans un Lombardie monumental, dans lequel les hostilités et l’écrémage furent lancées dès le mur de Sormano, c’était bien Pinot le plus fort. Douze mois après, il se retrouve à nouveau seul avec Nibali dans le Civiglio. Sauf que cette fois, l’italien bluffe et met le clignotant avant la descente. Avec trente secondes de marge à la bascule, il lui reste à gravir le Monte Olimpino (nom de dieu !) pour savourer dans les derniers hectomètres. Le voilà qui entre un peu plus dans l’histoire.
Pas d’exploit ici. Pas d’inattendu, rien qu’une confirmation. Une consécration. Renaud Lavillenie, déjà champion d’Europe à de multiples reprises, décroche en août 2012 le titre olympique en saut à la perche, comme l’avaient fait avant lui Pierre Quinon (en 1984) et Jean Galfione (1996). On attendait certes ce titre, mais rien n’était pour autant fait à l’entame de la finale du concours, loin de là, comme ce fut le cas tout au long de la carrière du charentais. A cette époque, il a fort à faire face aux concurrents Allemands, le trio d’enfer Malte Mohr-Bjorn Otto-Raphaël Holzdeppe. Ce soir-là, le premier des trois n’existe pas. Néanmoins, les deux autres sont bien présents et mettent comme d’habitude la pression. Ils sautent tous les deux à 5,91m. Lavillenie est très propre, enchaînant les sans-faute de 5,65m à 5,85m. Or, le voilà qui manque sa première tentative six centimètres au-dessus. Il n’hésite pas et fait directement l’impasse. Il lui reste ainsi deux sauts pour 5,97m et il sait que si lui passe cette barre, il est intouchable du fait du nombre d’erreurs des deux Allemands. Comme prévu, ces derniers ne parviennent pas à franchir l’écueil. Lavillenie est cependant sur un fil, il ne lui reste plus qu’une tentative. Mais ça ne peut pas se terminer comme ça. Et ça passe ! Tout un poids sur ses épaules qui s’échappe en un instant, Lavillenie exulte sur le tapis. Il est (quasiment) champion olympique. Infranchissable pour ses adversaires, la barre à 5,97m lui aura permis de décrocher le record olympique et surtout la médaille d’or.
Mathéo RONDEAU